On a profité de cette période assez calme du Ramadan pour aller à la rencontre d’anciens élèves afin de savoir ce qu’ils étaient devenus. Comme vous le savez l’objectif principal du centre est de former de jeunes adultes en situation de handicap physique pour leur permettre de vivre d’un métier. Ce type d’enquête avait bien sûr déjà été fait dans le passé mais on souhaitait mettre ça à jour. Le résultat est…mitigé.
On est donc parti avec notre collègue Hassatou sillonner les quartiers et les environs de Mamou ! Sur les conseils du formateur de mécanique M. Barry (qui officie comme véritable coach de ses élèves à leur sortie) on a commencé par Adboulaye, unijambiste, qui a eu la bonne idée de s’installer à 30km de la ville sur une route très fréquentée et bien défonçée : il lui tombe des clients à toute heure pour remettre un pare-choc, changer un pneu ou des freins ! Un autre bel exemple est celui de Bangoura, paraplégique, qui s’est spécialisé dans la réparation de machines à coudre. Installé au milieu d’un quartier de couturiers et couturières, il ne chôme jamais ! Reconnu pour son savoir-faire et son tempérament charmant, il accueille désormais chaque année des élèves du centre comme stagiaires. En revanche on n’a pas pu voir Abdourahmane, retourné à Conakry et à la mendicité : une activité assez rémunératrice dans un pays où la charité est ancrée dans la culture et pallie les carences de l’État…
Pour les élèves diplômés de couture, les parcours sont assez divers. Certains, souvent après une première année d’activité comme apprenti chez un « maître » ou une « maîtresse », réussissent à ouvrir un atelier en ville. Ainsi on a rencontré Fatoumata Binta, au dos et bas du corps déformés, qui croulait sous les commandes de tenues de fête en préparation de l’Aïd el-Fitr (la fin du jeûne). Elle travaille sur une machine qu’elle a acheté à crédit au centre et a commencé son activité grâce au kit de démarrage qui est offert à tous les élèves diplômés : nécessaire de couture, de tricot, ou trousse à outils, en fonction de leur spécialité. D’autres élèves retournent à leur village d’origine et se font une petite clientèle locale : c’est le cas d’Alpha Oumar, à la main tordu, et Boubacar, atteint de nanisme, qui vivotent des commandes passées par la famille élargie et les voisins.
Mais la formule la plus courante pour les élèves de couture consiste à former une coopérative. L’avantage est de pouvoir compter sur les savoir-faire des uns et des autres car les deux ans de formation sont rarement suffisants pour se lancer en autonomie. Le défaut est qu’il faut trouver un local or les places sont rares -et chères- en ville ! Ainsi, avec les sept élèves diplômés de couture de la promotion 2020, on cherche un lieu dans lequel ils pourront s’installer. Avouons que ça n’avance pas vite car les autorités (mairie, préfecture, gouvernorat…) nous assurent de leur soutien indéfectible mais ne bougent pas le petit doigt et que les élèves attendent beaucoup de nous et bien peu d’eux-mêmes… Problème récurrent de la dépendance à l’aide extérieure. Alors on y met l’énergie suffisante pour ne pas se substituer aux premiers intéressés ! D’autant qu’un financement du Fonds des Nations Unies pour la population a déjà été trouvé par nos prédécesseurs pour équiper entièrement leur futur local.
Les élèves diplômés de layette, ce tricot pour bébé, s’organisent également en groupement au sein d’une seule coopérative. Les nouvelles diplômées (oui, il n’y a jamais eu d’hommes dans cette activité) rejoignent les anciennes, appuyées par la formatrice Mme Bah qui continue à suivre leur travail. Il faut dire que l’on compte seulement 2 ou 3 élèves par an dans cette spécialité… Les tricoteuses vendent principalement leur production à l’hôpital régional de Mamou ou dans leur entourage. Les bébés ne manquent pas dans un pays où 60% de la population a moins de 18 ans et la demande de vêtement chaud est importante dans cette région montagneuse du Fouta où le thermomètre peut descendre autour des 10 degrés selon la saison ! Mais là encore, certaines diplômées n’ont jamais exploité les acquis de la formation comme Mariama, paraplégique, qui nous a expliqué être trop occupée entre ses activités de mère et de femme au foyer…
On fait donc face à de nombreuses difficultés pour atteindre l’objectif d’insertion professionnelle… D’autant que le centre a aussi fait des erreurs en 15 ans d’activité, en plaçant parfois beaucoup d’énergie dans des projets annexes et peu pertinents qui l’ont détourné de son ambition première. Mais on n’oublie pas que les élèves trouvent aussi au Centre Konkouré un endroit dans lequel ils sont considérés et grâce auquel ils reprennent confiance en eux : c’est un des retours qui revient le plus souvent de la part des anciens élèves et c’est ce qui nous incite à persévérer !
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