Avant d’arriver à Mamou, on n’avait pas mesuré l’importance de la pratique religieuse ici, même si on savait que la majorité des Guinéens et Guinéennes était musulmane. Dans le Fouta-Djalon, on est en territoire peul, peuple musulman reconnu par les autres populations de Guinée comme le plus pratiquant.
Nous, on habite à côté d’une école coranique. Tellement à côté que l’une des fenêtres de notre salon donne sur la cour de l’école. On ferme généralement le rideau, sinon les enfants ne perdent pas une miette du spectacle des “Porto” dans leur intimité !!
Il est très courant ici d’envoyer ses enfants à l’école coranique. Parfois elle remplace l’école formelle, parfois elle est en supplément comme celle à côté de chez nous. Les enfants y viennent le matin de 6h à 7h30 environ et le soir jusqu’à 21h30, du lundi au dimanche.
On ne sait pas exactement comment s’y passe l’enseignement mais a priori, les enfants apprennant par cœur certains passage du Coran. Parfois on leur apprend à le déchiffrer mais en général pas à le traduire. Je suppose qu’on leur explique un peu de quoi il retourne mais en sortant de l’école coranique, ils ne comprennent pas la langue arabe. En tout cas, chaque soir et chaque matin on entend cette vingtaine ou trentaine d’enfants réciter en chœur et inlassablement des passages du Coran… Ça a un côté mystique qui peut être apaisant mais globalement, on trouve inquiétant cet apprentissage borné. Sans parler de nos réveils trop matinaux au son des versets coraniques le week-end !!
Au Centre de formation, l’un de nos élèves est maître coranique. Il anime donc une école coranique le matin avant de venir en formation et le soir, ce qui le fatigue beaucoup. Pour les 10 derniers jours du ramadan, il nous a d’ailleurs demandé à s’absenter du centre car il anime des prières nocturnes.
Toute l’année les journées sont rythmées par les 5 prières (à environ 6h, 13h, 17h, 18h et 19h30) et les appels qui les précèdent, aux haut-parleurs des mosquées. Les muezzins qui appellent les fidèles à la prière sont plus ou moins mélomanes, on a parfois droit à de mélodieux “Allah ou akbar”, parfois à de secs “Salam Aleykoum”, suivis de beaucoup d’autres mots qu’on ne comprend pas. Bref, en plus de ces 5 prières quotidiennes toute l’année pour les hommes et toute l’année sauf en période de règles pour les femmes, il y a des prières nocturnes vers la fin du ramadan. Les fidèles se rendent donc à la mosquée de 2 à 4h du matin pour prier et lire le Coran.
En plus de ce sommeil haché, les Musulmans jeûnent ici pendant 29 ou 30 jours, un peu moins pour les Musulmanes qui s’arrêtent de jeûner pendant leur règles mais devront “rembourser” ces jours à un autre moment de l’année. Les employeurs s’adaptent à ce rythme : école, entreprises et institutions ferment leurs portes à 14h, pour, je cite, “laisser aux femmes le temps de faire les courses et la cuisine”.
Et je peux vous dire qu’à Mamou, le jeûne est bien suivi ! Il est impossible pendant cette période de trouver quelqu’un qui serve à manger dans la journée (sauf, paraît-il, dans des endroits clandestins). Au centre, il n’y a plus de cantine, les rares élèves qui ne jeûnent pas (soit pour des raisons de santé soit pour leurs règles) reçoivent un morceau de pain et des sardines. C’est le seul “mets” qu’on peut leur servir car ici à Mamou, il n’y pas vraiment d’entre-deux : soit les femmes cuisinent du riz avec une sauce, ce qui prend plusieurs heures, soit c’est sandwich sardine-mayonnaise, prêt en 45 secondes.
Au-delà de la prière et du jeûne, la vie pendant le ramadan doit être sobre : les lieux nocturnes (bars, boîtes, restaurants, vente d’alcool) sont fermés, et honnête : on ne doit pas mentir, pas voler, pas regarder la femme du voisin… “Parce que le reste de l’année c’est pas gênant ?” C’est ce qu’on a répondu à notre collègue quand il nous a expliqué ça, haha !
Vous l’avez compris, cette période n’est pas évidente pour nous, même si on a eu la chance de goûter de nouveaux plats comme le toh (pâte de manioc) accompagné de sauce de gombo que nous a offert une de nos collègues !
On a hâte de pouvoir boire de l’eau devant les gens quand on se promène, de manger à l’extérieur et… de boire des bières ! Car l’unique distributeur ouvert est en rupture de stock. Comme quoi, on est pas les seul·es à ne pas faire le ramadan !!
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